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Métropôle Aix Marseille Provence
24 janvier 2013

LA NEWS LETTER DU CRIF- MARSEILLE PROVENCE CAPITALE EUROPEENNE DE LACULTURE 2013

Tribune
Publié le 23 Janvier 2013

 

Par le Professeur Hagay Sobol

 

Pour le New York Times, Marseille est la seconde destination mondiale où il faudra aller cette année. En effet, la cité phocéenne et sa région sont les organisateurs d’un évènement exceptionnel : « Marseille Provence Capitale Européenne de la Culture 2013 (MP 2013) ».

 

« Nous savons pertinemment ce qui peut nous opposer. Mais nous avons décidé de travailler ensemble malgré tout et nous avons réussi à parler à plusieurs voix non discordantes. Cela a été possible grâce à cet espace qu’est la laïcité »

 

Cependant, en France, avant même que le départ ne soit lancé, on a écrit beaucoup de choses, sur le choix de la ville, sa politique culturelle et prédit un échec en comparant sans cesse ce qui a été fait et réussi à Lille. Qu’il me soit permis de m’exprimer en retour à deux niveaux, en tant que marseillais, et en tant que Président d’une association culturelle participant à l’évènement, le Centre Edmond Fleg.

 

La Chronique d’un échec annoncé ?

 

Lorsque l’on parle de la cité phocéenne, c’est souvent en mal, et quelquefois en bien, comme par étonnement. D’autant plus que débute un évènement de portée européenne, MP 2013. C’est un rendez-vous crucial pour la ville et sa région qui conditionnera en partie leur avenir. Mais également pour la France tout entière qui sera jugée à l’aune de ce qui sera présenté à un public que l’on espère international. Pour la pose de la « dernière pierre » du MuCEM, le musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée, le Président de la Commission européenne, Manuel Barroso, a fait le déplacement, alors que François Hollande, retenu pour cause d’intervention au Mali, a délégué le Premier ministre Jean-Marc Ayrault.

 

Marseille, ce port tourné vers la Méditerranée, la « mare nostrum » (Notre Mer) des Romains , détiendrait-elle le monopole des faits divers, et doit-on s’attendre ainsi à la chronique d’un échec annoncé ? Certainement pas ! Si certaines des critiques sont fondées, cette ville est attachante et a su trouver, malgré la précarité, des solutions qui ont fait école. Cette réputation en partie usurpée est due également au regard que l’on porte. Les médias, à force de présenter les facettes négatives, ne font plus voir que cela. Pour que ce grand rendez-vous soit un succès, il faut également de l’empathie, ou tout au moins un regard objectif.

 

Dans la programmation, la culture institutionnelle a été privilégiée

 

Marseille et sa région ont produit une culture originale que les habitants du cru ne manquent pas tout à la fois de railler et de porter aux nues. À titre d’exemple, les commerçants du vieux port vendent des T-shirts qui en disent long : « il y a deux types de personnes, les Marseillais et ceux qui rêvent de l’être ». Si l’on veut analyser Marseille et la comprendre, il convient tout d’abord de s’attacher à ses spécificités et ne pas plaquer une grille de lecture préétablie. Et c’est en partie ce qui a été fait dans la conception des programmes, en choisissant de privilégier la culture dite institutionnelle. Celle qui appelle de grands travaux, et la venue d’intervenants extérieurs. Ce peut être une bonne chose, pour l’ouverture et la mise en place d’infrastructures. Mais, il est à craindre que l’effet ne soit que temporaire, et qu’une fois les spectacles et les expositions terminés, le soufflet ne se dégonfle et que le bénéfice pour la ville et sa région ne soit minime.

 

Au cœur de la culture régionale, le réseau associatif

 

Au cœur de la culture régionale, il y a le réseau associatif qui au final a été assez peu sollicité. Pourtant, les acteurs locaux qui ont la réputation « avec pas grand-chose de faire beaucoup » ont tant de choses à dire et à montrer.

 

À ce stade, c’est en tant que Président d’un centre culturel que je souhaiterai témoigner, car notre action est emblématique de ce qui se fait dans notre « bonne ville ». Trois de nos projets ont été retenus : l’un est coproduit par MP 2013, et les autres sont labélisés. Deux de ces actions sont des réalisations purement locales. Elles mettent en valeur à la fois notre patrimoine historique, et la richesse des communautés composant cette ville portuaire, avec ses mouvements constants de populations qui au cours du temps ont appris à cohabiter pacifiquement.

 

Le premier projet est constitué de 5 itinéraires retraçant le patrimoine juif marseillais utilisant les outils modernes de la communication, les codes QR. Les thématiques correspondent à différentes périodes de l’histoire, allant du moyen-âge jusqu’à la Deuxième Guerre mondiale. Il y a là beaucoup à découvrir même pour un marseillais.

 

Marseille et ses communautés, "Tous  enfants d' Abraham"

 

Le second projet, a valeur de symbole. Il s’agit d’un ensemble d’activités (exposition, conférences, projections, activités récréatives) ayant trait au prophète Abraham père des monothéismes. Bien qu’il soit dédié à tout public, il a été pensé spécialement pour les enfants, afin de leur apprendre dès le plus jeune âge la tolérance. Ce travail a été réalisé par le Collectif « Tous Enfants d’Abraham » constitué d’associations culturelles chrétiennes (d’Orient et d’Occident), juive et musulmane qui œuvrent conjointement. Il ne s’agit pas d’un groupement de rêveurs ou de naïfs. Nous savons pertinemment ce qui peut nous opposer. Mais nous avons décidé de travailler ensemble malgré tout et nous avons réussi à parler à plusieurs voix non discordantes. Cela a été possible grâce à cet espace qu’est la laïcité. Pas une laïcité dogmatique qui gommerait les différences. Mais une laïcité ouverte qui permet à chacun d’être citoyen tout en se développant pleinement selon ses orientations et ses origines, et surtout sans réduire la liberté de l’Autre.

 

Marseille, malgré la précarité et les faits divers, si on la regarde avec des yeux bienveillants, est porteuse d’un message de tolérance. La culture qui s’y développe en est le reflet. Au centre du dispositif qui permet tout à la fois la cohésion sociale et où s’enracine une certaine forme de l’exception culturelle française, il y a le réseau associatif, dont les projets cités ne sont qu’une infime partie. On peut donc s’étonner qu’il ait été si peu mis à contribution, au profit des « grands projets ». Or, comme le nom de cet évènement prestigieux l’indique, si c’est Marseille et la Provence qui doivent l’incarner, il aurait été logique que les associations locales soient plus impliquées. Non qu’il faille établir une hiérarchie entre les expressions culturelles. Mais c’est en termes de formulation que la problématique se pose. Des messages et des solutions ont été trouvés au niveau des villes et des régions, qui diffèrent de ceux des États, et qui pourraient être utiles ailleurs. En particulier, pour montrer comment des populations d’origines variées peuvent construire ensemble. Cela n’est-il pas le projet européen et au-delà, celui d’unir les deux rives de « Notre Mer » Méditerranée, comme le suggèrent les thématiques de la programmation ?

 

Alors il faut souhaiter un franc succès à MP 2013, à ses grands évènements, et que la culture associative puisse également se déployer et être mise en lumière. Car pour prendre une métaphore médicale, pour voir en relief, nos deux yeux ne doivent pas voir exactement de la même manière. Ils doivent combiner des points de vue différents.

Le CRIF en action

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