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Métropôle Aix Marseille Provence
12 mars 2013

MARSEILLE BDR - OPETRATION METROPOLE A HAUS RISQUES

égions

Marseille-Bouches du Rhône : une opération métropole à hauts risques

Michel Feltin-Palas, publié le 12/03/2013 à 13:00, mis à jour à 13:02

1,7 million de personnes vivent entre Marseille, Salon, Aix, Aubagne, Martigues et Istres. Le gouvernement a décidé de modifier l'organisation de ce territoire, qui fonctionne mal. Une option politique à hauts risques. 

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Marseille-Bouches du Rhône : une opération métropole à hauts risques

EVASION - En 2013, Marseille et la région Provence vont vivre au rythme de la culture.

Reuters

Dans le bureau du préfet Théry se dresse une superbe et gigantesque carte des Bouches-du-Rhône, établie en 1908. Les limites des villes y apparaissent nettement, incroyablement réduites en comparaison de leur étendue actuelle. Entre les cités d'alors, les campagnes règnent sans partage, immaculées, triomphantes. Pour un peu, on croirait entendre chanter les cigales. 

A lire: le dossier complet dans notre édition régionale "Marseille - Aix - Bouches-du-Rhône. La métropole qui va tout changer", en vente mercredi 13 mars.

Si Marcel Pagnol venait à ressusciter, le grand écrivain aurait bien du mal à reconnaître sa chère Provence. Partout, les villes ont débordé, les lotissements ont poussé dans le plus grand désordre, les autoroutes et les lignes de TGV ont balafré les paysages... Le port de Marseille s'est étendu jusqu'à Fos, les zones commerciales ont pullulé, alignant sans vergogne leurs enseignes criardes et leur urbanisme bas de gamme. Qu'on le déplore ou que l'on s'en réjouisse, ce vaste territoire allant d'Aubagne à Salon, d'Aix à Martigues en passant par Marseille et Istres, ne forme plus qu'un seul bassin de vie de 1,7 million de personnes, selon l'Insee, qui a soigneusement comptabilisé les "navettes" domicile-travail. Il y a longtemps que les habitants, coincés matin et soir dans les embouteillages, s'en sont également rendu compte. 

Nathalie Huertas vit à Ensuès-la-Redonne et on comprend son choix. Avec sa vue magnifique sur la Méditerranée, son port de Niolon, typiquement provençal, sa végétation superbe, cette charmante commune de la côte Bleue, à deux pas de Carry-le-Rouet, ressemble à un petit paradis sur terre. Le seul souci de Nathalie Huertas? La cimenterie de Port-Saint-Louis-du-Rhône, où elle occupe les fonctions de chargée de mission environnement, est à peu près inaccessible en transports en commun depuis son domicile. Ce qui la contraint à parcourir 100 kilomètres en voiture, chaque jour. A la clef: un budget carburant de 400€ par mois! 

Et s'il n'y avait que le travail... Pour se soigner, Nathalie Huertas se rend à Marseille; pour assister à des concerts, à Aix; pour faire ses courses, à Marignane ou à Martigues. C'est ainsi: lorsqu'on réside dans les Bouches-du-Rhône, il est exceptionnel que l'on vive dans une seule commune ou même dans une seule communauté d'agglomération.  

Dix journées de perdues dans les bouchons chaque année

Hélas, si le territoire vécu par ces Provençaux est unique, les territoires politiques, eux, sont dispersés. "L'aire métropolitaine Aix-Marseille-Provence" -pour parler "techno"- divisée en quatre communautés d'agglomération -Aubagne, Aix, Martigues et Salon-, un syndicat d'agglomération nouvelle (Istres-Fos) et une communauté urbaine -Marseille. A supposer que les élus accomplissent le mieux possible leur travail dans l'étroit périmètre de leurs limites administratives, cela n'enlève rien au constat: personne ne s'occupe d'aménager le bassin de vie à la bonne échelle. 

Les conséquences de cette inadéquation sont légion, avec une mention spéciale pour les transports en commun. L'aéroport? Il n'est desservi ni par un tramway ni par un bus en site propre. La liaison ferroviaire entre Aix et Marseille -les deux principales villes du département? Lamentable, avec une seule voie sur la moitié du parcours- qui plus est non électrifiée. Les autobus? Aucune voie ne leur est réservée sur l'autoroute. Le conseil général a bien mis en place un service départemental de cars, mais, faute d'harmonisation entre les gestionnaires, on en arrive à des situations ubuesques. "Quand un car "13" arrive dans Marseille, on peut descendre à différents arrêts, mais pas y monter!" pointe Monique Cordier, responsable de la puissante confédération générale des comités d'intérêt de quartier. Conséquence: tout le monde se replie sur sa voiture, ce qui contribue à multiplier les embouteillages. "Dix journées sont perdues chaque année dans les bouchons, uniquement entre Aix et Marseille", note Jean-Yves Petit, vice-président (Europe Ecologie-les Verts) du conseil régional chargé des transports.  

Concurrence entre les territoires

Le développement économique pâtit, lui aussi, de cette situation. En matière de promotion internationale, chacun communique dans son coin: la ville de Marseille, la communauté urbaine, la communauté d'agglomération d'Aix, la chambre de commerce et d'industrie (CCI), le conseil général, la région... Autant d'institutions qui, à elles toutes, dépensent plus d'argent que... Londres! Mais sans grande efficacité, tant les messages sont brouillés.  

Personne non plus ne songe à définir une stratégie économique cohérente. Pis! Il y a parfois concurrence "à enjeux" comme l'étang de Berre, la vallée de l'Huveaune et le port se situent à cheval sur plusieurs intercommunalités. Et cela continue. "En ce moment, des investisseurs cherchent à créer un "village des marques", un concept novateur à très fort potentiel, raconte Jacques Pfister, président de la CCI. Au lieu de leur présenter ensemble le meilleur emplacement -Miramas-, chacun défend son pré carré. Marseille pousse la Valentine; Aix soutient Plan-de-Campagne... Tout cela au risque de décourager nos interlocuteurs. C'est absurde!" 

Ce manque d'efficacité se paie

"Compte tenu de sa taille démographique, il manque environ 100 000 emplois sur le territoire d'Aix-Marseille, avec des conséquences indirectes sur la pauvreté et la délinquance", estime le sociologue Jean Viard, par ailleurs élu divers gauche de Marseille Provence Métropole. Ce n'est pas tout: les terres agricoles, elles aussi, se raréfient, englouties par les zones commerciales et les logements. "Selon l'Insee, le département va accueillir 226 000 habitants supplémentaires d'ici à 2030. Va-t-on les laisser s'installer n'importe où, au risque d'aggraver l'étalement urbain et les bouchons? Ou organiser les choses rationnellement, en construisant les logements près des zones d'emploi et des axes de transports en commun?" interroge Pierre-Louis Soldaïni, directeur de l'Etablissement public foncier de la région.  

La situation est d'autant plus inquiétante que la concurrence entre les territoires fait rage en Europe. Pendant qu'à Aix-Marseille on se chamaille, Lyon, Barcelone, Milan et Munich voient large et s'organisent. "Les autres grandes villes l'ont fait: nous ne devons plus perdre de temps", résume la ministre marseillaise Marie-Arlette Carlotti (PS).  

Soyons honnête: depuis quelque temps, tout le monde dit partager ce constat. Même les plus farouches opposants à la métropole souhaitée par le gouvernement. Officiellement, 105 des 119 maires du département -la proportion est impressionnante-, tous les présidents d'intercommunalité -sauf Marseille-, le président du conseil général et la plupart des parlementaires ne contestent que la création d'une structure "intégratrice et imposée à marche forcée". Refusant la disparition des six communautés actuelles, ils proposent une autre solution: une coopération souple, au sein d'un "établissement public opérationnel de coopération" (Epoc). Une manière, à leurs yeux, de préserver l'autonomie financière, le droit du sol, la fiscalité et la compétence générale des maires. "La métropole est trop technocratique. Cette réforme se fera avec les maires ou ne se fera pas!" tranche Georges Cristiani, maire (sans étiquette) de Mimet, animateur principal des "anti". 

Les élus n'en sont pas à leur coup d'essai...

C'est peu dire que cette contre-proposition ne convainc pas tout le monde. Non seulement parce que l'idée d'ajouter une couche supplémentaire au millefeuille administratif français paraît un tantinet décalée, mais, surtout, parce que, dans les Bouches-du-Rhône, la capacité des élus de collaborer spontanément ne va pas de soi. Les années récentes en ont apporté par trois fois la démonstration. En septembre 2010, la CCI a réalisé un travail d'analyse assez remarquable, aboutissant à un programme intitulé "20 projets pour entrer dans le top 20" (européen). Le diagnostic était posé, les solutions envisagées, la démarche coopérative. "Nous avons présenté ce document aux principaux élus. Nous n'avons reçu aucune réponse", déplore Pfister. Deuxième illustration, exposée par le préfet de région Hugues Parant: "En 2010, j'avais déjà envisagé de regrouper ces six intercommunalités au sein d'une communauté urbaine unique ou d'une métropole. Les élus m'ont dit: "Monsieur le préfet, ne faites pas cela: nous allons créer nous-mêmes, volontairement, un pôle métropolitain doté de statuts, de moyens et de compétences." Je leur ai fait confiance. Dix-huit mois plus tard, il ne s'était rien passé de concret." 

Le dernier exemple a eu pour victime symbolique Jean-Noël Guérini. Afin de mettre un peu d'ordre dans le grand bazar des déplacements, le très puissant patron (PS) du conseil général a mis sur pied un "syndicat mixte des transports". Un outil torpillé par plusieurs présidents d'intercommunalité -Aix et Martigues, notamment- soucieux de rester maîtres chez eux. "C'est vrai que nous avons été mauvais et que nous avons collectivement "planté" ce syndicat, reconnaît Roland Darrouzès, maire (PS) de Lamanon et président de l'Union des maires du département. Que voulez-vous? Nous sommes des Méditerranéens. Quand on nous impose quelque chose d'en haut, nous le refusons par principe, quitte à faire exactement la même chose après. C'est bête et méchant, mais c'est ainsi. Cela dit, face à la menace de la métropole, nous sommes cette fois vraiment résolus à travailler ensemble." 

On ne voudrait pas désespérer Roland Darrouzès, mais, compte tenu de l'expérience passée, il est peu probable que le gouvernement accorde une nouvelle chance aux élus.  

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